Je suis toujours à la recherche de l'inspiration... mais après la petite énigme à laquelle vous avez été nombreux à participer, il faut bien que je passe à autre chose....
Il y a quelque temps, j'avais écrit
un court texte qui correspond tout à fait à mon humeur du moment et si vous avez du temps vous pouvez toujours jeter un coup d'oeil
ici...
Mais quoiqu'il en soit, il faut avancer et j'ai envie aujourd'hui de vous raconter une de mes madeleines de Proust, comme on dit si bien...
Il y a quelques jours nous avons reçu un couple d'amis avec leur maman que je ne connaissais pas. J'ai, durant la soirée, beaucoup discuté avec elle, apprenant que dans sa vie de jeune femme elle avait été modiste...
Quel joli métier !
Vous imaginez.... Créer des petits bibis pour les élégantes....
Il est rare maintenant de porter le chapeau en dehors des cérémonies ou à des occasions comme le 25 novembre où on fête les catherinettes comme nous en a
si joliment parlé Michelaise...
Mais il faut avouer que les femmes d'hier étaient bien belles et très féminines avec leurs beaux chapeaux. J'ai retrouvé une photo de la tante de mon compagnon, également modiste. Cette tante Irène est bien jolie, vous ne trouvez pas ...?!
Toujours est-il qu'au cours de notre soirée entre amis, au nom de "modiste" les souvenirs ont afflué en ma mémoire....
Un 4 octobre, mes parents se sont mariés... Ce même jour, des amis de mes grands-parents se mariaient également...
Mes grands-parents maternels
Si mes parents n'avaient qu'une vingtaine d'années à l'époque, ce couple d'amis convolait en justes noces à plus de 50 ans. En effet ils s'étaient rencontrés très tard, ayant consacré leur vie à soigner leurs parents respectifs.
Mademoiselle Simon, devenue madame Duprey, travaillait alors comme modiste pour le grand magasin "Le Printemps" de Paris. Elle vendait aussi ses créations sur le marché de Levallois-Perret.
Ma grand-mère et son amie madame Duprey
Régulièrement mes parents recevaient ce couple d'amis et pour nous, les enfants, c'était toujours un peu la fête... Madame Duprey qui n'avait jamais eu d'enfants nous gâtait en nous apportant de menues choses qui valaient pour nous de véritables trésors : des coquillages que son neveu lui avait envoyés de Nouméa, des rubans, des cartes postales et autres babioles sans valeur mais qui pour nous, bien rangés au fond d'une petite boîte, constituaient notre caverne d'Ali-Baba.
De gauche à droite, maman portant ma petite soeur dans les bras, ma grand-mère paternelle, madame Duprey, la modiste, et mes grands-parents maternels.
Mais il y avait aussi -et c'était incontournable- le paquet de gâteaux Paille d'Or... Quel régal et quel souvenir... Je ne peux voir un paquet de gaufrettes à la framboise sans retrouver la petite silhouette fragile de madame Duprey (qui arrivait toujours chapeautée) et celle, élancée, de son mari.
Monsieur Duprey a vécu jusqu'à 100 ans et 6 mois...
Dans leur appartement de Montrouge, il nous a souvent fait la démonstration de sa bonne santé en faisant des tractions avec une barre installée entre les montants d'une porte et son grand plaisir était aussi de nous "parler" anglais...
Ils avaient l'habitude de passer des vacances à Jersey et à table, sous nos yeux ébahis d'enfants, il nous nommait les objets avec un accent qui ferait peut-être sourire aujourd'hui : spoon, knife...
Ils étaient adorables. Je les aimais beaucoup et ils font vraiment partie de mon enfance...
J'ai d'autres images, d'autres senteurs qui me renvoient inévitablement en enfance :
- Les troènes en fleurs et leur parfum, c'est la rue de Villerville où nous jouions enfants pendant les vacances.
- L'odeur de ma Ricoré du matin me ramène également à Villerville lorsque nous descendions prendre le petit déjeuner. L'odeur de chicorée embaumait alors la cuisine de madame Oubril.
- Et puis les barres chocolatées que mon oncle Sylvain nous rapportait à chaque visite à la maison. Des Nuts achetés sans aucun doute dans un café/tabac car je n'ai pas oublié leur goût de fumée de cigarette très caractéristique...
Il y a d'autres souvenirs sûrement, d'autres moments, où un petit rien suffit pour faire un tilt dans ma mémoire... , mais ce serait trop long...
Et vous ?
Que diriez-vous de me raconter, de
nous raconter votre madeleine de Proust....
Essayez de jouer le jeu et plongez dans vos souvenirs. J'ai hâte de vous découvrir un peu plus...
Cartes postales anciennes scannées -ainsi que les photos de famille- par mon père qui a participé activement à la recherche d'images pour me permettre d'illustrer cet article.
Un grand MERCI à toi papa !
Je ne résiste pas au plaisir d'ajouter cette photo du mariage de mes grands-parents. Mes parents se sont pris au jeu de cet article et c'est maman qui a retrouvé et vient de m'envoyer cette photo aux nombreuses têtes chapeautées. MERCI maman !
J'ajoute à cette petite page de souvenirs, le joli texte que Vivi m'a envoyé dans un com. Elle l'avait fait paraître sur son blog, mais vous ne l'aviez peut-être pas lu...
Merci Vivi pour ces beaux souvenirs de modiste...
L’ atelier de la Modiste
Rue Royale, il y a un magasin attirant. Une belle modiste y expose de jolis chapeaux posés sur des pieds noirs en bois tourné.
Des bibis à voilette, des coiffes en tulle.
Des chapeaux de pailles tressées garnis de fleurs ou de fruits.
Des toques en fourrure, des cloches en feutre.
Des voiles de mariée et leur diadèmes de princesses. Des crêpes pour les deuils.
Dans l’air, flotte un parfum de muguet.
L’endroit est meublé avec goût.
Des psychés font face à deux jolies coiffeuses Napoléon III. les chaises sont assorties. Un canapé, des bergères en velours bleu-roi. Des petites tables rondes, des revues de mode, des bonbonnières, des napperons crochetés, des bouquets de fleurs en soie. Aux murs des gravures reproduisant les roses de Redouté. Cette pièce ressemble à un boudoir.
Tout respire la femme et sa coquetterie.
Au fond de la boutique, un paravent chinois camoufle une porte donnant sur l’atelier.
Groupées autour d’un Godin pour ne pas avoir froid aux doigts. Dans une odeur de vernis, de colle et de café réchauffé. Quatre ouvrières et une apprentie travaillent sur des calottes en bois.
Sur ces billes représentant une tête, elles placent des garnitures sur des bases en graminées séchées recouvertes de tissus.
L’une pose des plumes, la seconde arrange des fleurs et des feuilles, la troisième passe un ruban. L’apprentie aide la quatrième, elles attachent un oiseau stylisé sur une grande capeline
En hiver, elles confectionnent les chapeaux d’été. L’été elles cousent les chapkas et les bérets.
Il y a des commodes avec de grands tiroirs remplis de fournitures, des rubans, des aiguilles, des boutons, des bobines de fils, des fanfreluches diverses.
La vie n’est pas facile pour la jeune apprentie, elle est souvent considérée comme la bonne à tout faire. Elle travaille six jours sur sept. Parfois la modiste lui demande de venir le dimanche matin, avant la messe, pour balayer, ranger et faire le ménage. Elle doit arriver avant les ouvrières. En hiver elle nettoie et allume le feu.
Ensuite elle prépare la soupe au thym et à l’ail. Ce breuvage a des qualités appréciées de toutes et surtout de la patronne. Il protége ses filles des angines, grippes, bronchites et autres problèmes intestinaux.
L’été elle prépare la « surette » c’était un potage rafraîchissant à base d’oseille, de pain, d’œuf et de crème fraîche que les ouvrières boivent goulûment en pestant contre le soleil qui les brûle au travers de la verrière.
Elle apprend à façonner les formes. Elle amidonne les étoffes, repasse les feutrines ou les dentelles. Elle coud les perles ou les plumes sous l’œil attentif et pas toujours gentil de l’ainée des ouvrières qui se prend pour la « chef ».
La modiste l’envoie faire des livraisons. Elle aime ces courses. Cela change des travaux ingrats.
Toutes les bourgeoises de la ville portent des chapeaux. Elles laissent souvent un sou dans la main de la petite.
La jeune fille s’arrête à l’épicerie et s’offre quelques friandises.
Sur le chemin du retour. Elle rêve à son avenir. Elle a la tête pleine de projets.
L’année prochaine elle commencera à travailler réellement sur les chapeaux, elle connaîtra tous les stades de la confection. Quand elle se sentira prête. Elle demandera la permission de passer le concours de l’atelier. Elle fabriquera le plus original, le plus monumental chapeau pour les Catherinettes. Il sera tellement beau qu’il sera exposé en vitrine. Elle deviendra première ouvrière. Elle recevra un bon salaire.
Elle économisera. Elle achètera un atelier. Elle deviendra célèbre. Ses chapeaux coifferont les plus belles femmes du monde entier.
Dans l’atelier de ses rêves il n’y a pas d’hiver.
La route n’enseigne pas ce qui l’attend à l’arrivée...
Vividecateri